1 mars 2010
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A une heure du matin, à Dinan (Bretagne), la jeunesse enfile son dernier verre dans l'un des bars de la « rue de la Soif ». Maryvonne, elle, attend sa clientèle dans son établissement de nuit. Un rituel d’un demi-siècle d'âge dans un endroit hors du temps.
En haut de cette rue pavée, le bar de nuit "Les Templiers". Il ne paye pas de mine. D’ailleurs, l’enseigne a disparu. Impossible de se douter que derrière cette maison médiéval bâtie de granit et de bois se réfugient les insomniaques des nuits dinannaises. Un cas manifeste d’alcoolémie avancé est venu reprendre du poil de la bête sous la lanterne qui éclaire la porte d’entrée. Les plaques « Guide du routard » et « Licence IV », rongées par la rouille, affichent la même fatigue que lui.
Des habitués tapent à la porte avec le taquet en fer forgé. Les yeux de Maryvonne apparaissent par la trappe qu’elle vient d’ouvrir. « Bonsoir, entrez donc ! », invite la vieille dame à lunettes, emmitouflée dans son pull de laine. Maryvonne, 74 ans, vit dans l’appartement situé à l’étage. Depuis près de cinquante ans, c’est elle le vrai pilier des Templiers. Pas de videur, pas de serveur. Ici, c’est Maryvonne qui fait tout.
Boire un « canon » au coin du feu
Ici, on croise des étudiants qui viennent se refaire une santé, un groupe de bikers tatoués en passant par quelques chefs d’entreprises en costumes. « Nous venons de temps en temps chez Maryvonne. Il se passe toujours quelque chose », sourit Anthony, la trentaine. Lui et ses amis se sont réfugiés près de la cheminée où « la patronne » a préparé un feu de bois. Bloc-notes et stylo en main, elle s’en va les saluer et prendre leur commande. Le téméraire qui a osé rajouter une bûche sans son autorisation se fait gentiment rappeler les règles de la maison. Sans rancune, Maryvonne ! « Il n’y a presque jamais de problème. Si besoin, mes habitués sont là en renfort », plaisante-t-elle.
Elle regagne sa place derrière le zinc. Sur le mur, les tarifs des consommations ont été écrits à la main sur une feuille jaunie par le temps. Visiblement, les Templiers n’ont pas connu de hausse de tarifs depuis quelques années. Sur son plan de travail, une ancienne caisse enregistreuse récupérée dans un supermarché est accolée à la chaîne hi-fi. « Maryvonne ! Mets-nous un p’tit AC/DC ! », lance cette quinquagénaire solidement accoudée au comptoir. Maryvonne s’exécute et coupe les Pink Floyd avant leur premier refrain d’ « Another brick in the wall ». Gronde de certains.
Il est cinq heures…
Un groupe se déchaîne au rythme des musiques, debout sur les sièges et en s’agrippant à des rideaux vieillots. Anthony et sa bande, pendant ce temps, ont retrouvé un peu de couleur et de chaleur au coin du feu. Ils enchaînent quelques tournées, accompagnés d’un couple qu’ils ne connaissaient pas avant d’arriver. La jeune femme dit être une ancienne danseuse du Crazy Horse et ne semble pas rongée par les complexes. Collé à la cheminée, un jeune homme de la bande s’autorise à griller une clope, à l’abri du regard de Maryvonne. Ni vu, ni connu puisque l’odeur de fumée de bois a envahi la pièce. D’autres emboîteront le pas au cours d’une soirée hors du temps où Desireless succède à Jimmy Hendrix. Quelques minutes avant la fermeture, la tenancière invite tout son monde à finir les verres avant de rejoindre leurs domiciles. « À la semaine prochaine ! », lance Maryvonne. Elle avoue avoir réalisé « une bonne soirée ». Elle ne perd pas le nord ! Il est cinq heures. Dinan sommeille.